Variations: Invitation à Brent Klinkum pour Transat Vidéo

6 - 20 Janvier 2007

Variations comme autant de passages, de chemins tracés en pointillé à la rencontre d’œuvres qui tentent de saisir l’oscillation entre la continuité et la rupture, le balancement d’un état vers un autre, la transformation qui travaille et traverse l’image. Cette sélection regroupe essentiellement des œuvres vidéos mais aussi des dispositifs qui s’agenceront dans l’espace de la galerie et proposeront des univers singuliers.

À travers ces œuvres nous faisons l’expérience du changement et de la métamorphose touchant aussi bien le corps que l’image et la matière. Zone of Initial Dilution d’Antoine Boutet témoigne de la disparition pro- chaine des traditions et des coutumes en vue d’une modification paysagère et architecturale. Les portraits de Carolina Saquel et de Karø Goldt illustrent des variations ténues entre immobilité et tressautement de la ligne d’horizon d’Un Portrait peut avoir un fond neutre ou des traits d’un visage dans N u, d’un paysage de lignes et de couleurs dans Subrosa. L’œuvre de Maïder Fortuné dresse des parallèles permanents entre deux ima- ges et deux mondes apparemment distincts mais qui demeurent insaisissables. Les animations et la vidéo de Catherine Helmer opèrent des glissements de formes, comme autant de mutations corporelles dessinant la continuité à travers un trait qui ne se brise jamais. Enfin, ultime transformation dans l’œuvre de Noëlle Pujol qui filme une intervention sur la forme et la nature d’un corps : le passage de la mort à l’immortalité.

Ces déplacements qui s’inscrivent dans la matière d’un paysage, d’un corps ou d’un visage font écho à des déplacements de temps, d’espace et de sens. Le décalage spatial et sensoriel se trouve au cœur de l’œuvre de Mira Sanders qui s’appuie sur le réel pour nous transporter dans un ailleurs inversé. Le travail de Renaud Auguste-Dormeuil ménage sans cesse des dérapages formels inattendus, souvent drôles et toujours ironi- ques. Cette ligne subversive et volontairement déplacée s’illustre également dans l’installation de Jean-Paul Labro qui interroge de manière critique notre position de regardeur et l’univers fictionnel dans lequel nous sommes immergés.

Transformations et variations – conséquentes ou infimes – transcendent ce mouvement perpétuel de vie, ces fluctuations lentes ou accélérées, violentes ou douces, et construisent notre rapport au temps, déroulent les sens en marche. Ce regroupement d’œuvres rend compte d’une disponibilité au monde, d’un regard lucide et généreux, d’images qui s’offrent et qui ne se colorent ni d’indifférence ni de froideur. L’exposition puise sa force dans le choix d’artistes pour qui la création semble s’inscrire dans le don fait à l’autre, dans la pos- sibilité, à travers la représentation, de se reconnaître.

Variations regroupe aussi des artistes sans galerie – dont le travail est régulièrement montré au travers d’ex- positions collectives ou personnelles, pour nombre d’entre eux au sein de lieux prestigieux. C’est l’occasion ici de leur offrir une visibilité et une ouverture autre que celles proposées par les institutions publiques.

Antoine Boutet Zone of Initial Dilution France, 2006, 30 mn Né en 1968, vit et travaille à Montreuil. À travers ses installations paysagères, Antoine Boutet axe son travail sur les mutations urbaines et ses résonances sur la popu-

lation. Zone of Initial Dilution témoigne des bouleversements dont est victime le fleuve Yangtze en Chine et de l’effacement pro- gressif d’un mode de vie et de pratiques locales. Nouveaux rapports au fleuve, nouvelles centralités, enjeux de pouvoir et de représentation, cette étude par l’image tente de cerner certaines conséquences sur le paysage et les populations dans la pers- pective planifiée de l’ultime montée des eaux.

Renaud Auguste-Dormeuil Excuse de provocation (Visite guidée à thème ; Sécurité et Patrimoine du Musée d’art moderne de la ville de Paris), France, 2001, 35 mn Né en 1968, vit et travaille à Paris.

Renaud Auguste-Dormeuil porte un regard aigu et ironique sur notre société ultra surveillée et s’attaque au démontage systé- matique des rouages de ces systèmes de protection. Observateur et inventeur de procédés de camouflage, il joue de toutes les structures de contrôle social qui nous entourent. Institutions, villes et médias passent à travers le filtre de son œil décalé et intrai- table qui met en évidence ce que nous ignorons délibérément. Son travail propose d’incessants renversements et repose sur un juste équilibre entre préoccupations formelles et questionnements politiques.

Maïder Fortuné I wasn’t crying, but the ground wasn’t still France, 2005, 12 mn Née en 1973, vit et travaille à Paris. Les œuvres de Maïder Fortuné sont autant de mises en scène esthétiques dessinant des fictions de présences corporelles, des présences virtuelles étrangement incarnées. Chaque image propose une situation où le corps semble prendreplace dans un récit qui oscille entre fable et mystère. I wasn’t crying but the ground wasn’t still explore le sens caché du geste, du mouvement des corps à travers le passage de l’intérieur vers l’extérieur, de la technique à la nature, entre réel et imaginaire. Passages des corps et des décors – conduits par des « forces magiques » – organisent la scène selon un ord re qui reste à nos yeux mystérieux.

Karø Goldt Nu Allemagne, 2005, 4 mn 30 / Subrosa Allemagne, 2004, 3 mn Née en 1967, vit et travaille à Berlin. L’œuvre de Karø Goldt, à la grammaire minimaliste, atteint un sommet d’intensité grâce à la réduction de son sens formel. Bien que ses images soient suggérées par un processus d’une abstraction extrême, elles présentent néanmoins une matérialité tan- gible, amplifiée par la composition sonore de ses films. Nu et Subrosa montrent l’imperceptible changement, le défilement des lignes, les variations de couleurs et de formes. Ici les sons de la musique rythment les images, scandent le déroulement du temps et de la perception du cadre, donnent sens aux ruptures à travers la continuité ainsi qu’à la permanence à travers le mouvement.

Catherine Helmer Particules : Oubli France, 2006, 3 mn 05 / Particules : Sommeil France, 2006, 1 mn 16 / Particules : Souffle France, 2006, 1 mn 48 / Respire France, 2006, 14 mn 58 Née en 1972, vit et travaille à Paris.

Les œuvres de Catherine Helmer témoignent de cette recherche inlassable du saisissement de soi à travers l’expérience du corps inévitablement traversé par le temps et se déclinant sous le signe de la métamorphose. Corps-femme, corps-fœtus, corps fertile qui se meut lentement, qui croît puis s’affaisse, chute pour renaître. Un corps fécond de vie et de langage, un corps-mot qui traverse les cycles de la nature et qui laisse entrevoir une intériorité habitée et isolée. Autant d’autoportraits qui illustrent les glissements d’une forme vers une autre, des rites de passages sublimés par le corps.

Jean-Paul Labro Présentoir à posters installation, France, 2006 Né en 1969, vit et travaille à Bourges et dans les Hautes-Pyrénées. Jean-Paul Labro investit son énergie dans la performance, l’invention de machines ou de dispositifs interactifs. Son Présentoir

à posters, dispositif consultable par le public, propose des images proches d’affiches de cinéma dont la provenance reste incer- taine. L’imagerie générale des posters relève d’une esthétique proche du film documentaire d’anticipation (soit une pure fiction) où il s’agit de suivre un groupe d'explorateurs dans leur excursion et leurs travaux de découverte et d'analyse des saturations du monde présent.

Noëlle Pujol Le Préparateur France, 2006, 37 mn Née en 1972, vit et travaille à Saint-Ouen. Noëlle Pujol entreprend dans Le Préparateur un travail de rencontre, un mouvement vers le réel, dans le laboratoire d’un taxi-

dermiste. La taxidermie a pour but de reconstituer le corps d’un animal mort de lui donner un semblant de vie. Le but est fic- tionnel mais "le travail en actes" – transformer un corps mort immobile, le vider pour ne garder que la peau – touche une forme documentaire. Le film travaille sur les formes de glissements des arts : comment à partir d’un corps mort passer de la photo- graphie au dessin de la sculpture au théâtre ?

Mira Sanders Excerpt of a Day Belgique, 2005-06, 4 mn 45 Née en 1973, vit et travaille à Bruxelles. L’œuvre de Mira Sanders est traversée par le thème de la représentation et de l’illusion. L’artiste joue avec les frontières entre réa-

lité et fiction, image et objet du monde, et nous pousse sans cesse à nous demander quelle vérité nous habitons. Excerpt of a Day confronte deux modalités du saisissement du réel et de son acceptation : la vue et l’ouïe mises dos à dos au profit a priori de l’oreille. L’objet de la vidéo est vidée de sa matière – imagée – mais non de son sens, la connaissance passe par le son et l’imagination.

Carolina Saquel Un Portrait peut avoir un fond neutre France, 2005, 15 mn Née en 1970, vit et travaille à Paris. Carolina Saquel s’attache à la question de la perception, la signification de gestes et de situations qui peuvent être considérées

comme sans importance. Un Portait peut avoir un fond neutre, tourné en haute mer sur un bateau à l’arrêt, montre les images de l’horizon de la mer et l’enregistrement des mouvements d’une ligne que l’on pense fixe et stable. Pourtant cette ligne oscille, se fracture, elle bouge. L’existence d’un appui est remise en question, d’une terre ferme sur laquelle viendrait se poser le regard.