Le corps féminin est un palimpseste, une page réécrite mille fois par les regards, les mots, les gestes. Sous chaque trace laissée, une autre persiste, une autre résiste, et c’est en déchiffrant ces strates que l’on accède à l’intime, au vrai.
— Un corps à soi de Camille Froidevaux-Metterie
Inspirée par l’écoféminisme, la sororité, et l’ADN universel des êtres vivants, cette exposition célèbre une féminité guerrière et collective, où l’union devient une force invincible. L’idée d’une réconciliation entre l’humanité et la nature s’y déploie comme une nécessité pour retrouver un équilibre vital. La femme, comme Gaïa, la Terre, incarne une tension entre Éros et Thanatos : l’instinct de vie et celui de mort, la création et la destruction, la douceur et la force, se confrontent.
Les références à la mythologie, aux récits ancestraux et aux grands textes littéraires dialoguent avec des récits intimes puisés dans l’histoire familiale de l’artiste. Telle une naturaliste, elle enrichit ses histoires de matières issues d’une collecte photographique mais également de prises de vue réalisées dans son atelier, sur des modèles vivants.
Les matériaux utilisés, organiques - verre, laine, métal ou bois - évoquant à la fois la fragilité et la solidité, l’éphémère et l’éternel, deviennent les représentants d’un monde instable mais fécond. Les œuvres présentées matérialisent cette dualité et cette quête d’un équilibre : la terre crue se mêle au verre en fusion, des matières s’étreignent et s’unissent, évoquant à la fois les blessures et la guérison, la lutte et l’apaisement. Ces
pièces, à l’image des figures mythologiques féminines, incarnent la fertilité, la métamorphose et l’amour, tout en portant les traces des transformations qui les ont façonnées.
Cette lente alchimie est particulièrement sensible dans l’art du vitrail où Clara Rivault s’est spécialisée et dont elle en détourne les processus classiques : elle y démembre ses images, les fragmente telles les poupées de Hans Bellmer, puis les répare et recompose ses scènes en laissant les traces de la dislocation. Cette trame du corps morcelé, qui donne une dimension sculpturale à ses œuvres sur verre, est au cœur de sa pratique. L’ensemble Multiples Fragments d’Auguste Rodin l’accompagne depuis de nombreuses années.
Les sculptures Les épingles revisitent les épingles à chapeau du XIXe siècle dont les femmes se servaient à l’époque comme armes de défense. Réalisées en verre soufflé, chaque pièce, unique, se pare d’une identité forte — perles-figures, corsets en vannerie, anneaux d’étain ou céramique. Leurs pointes deviennent des antennes sensibles, à la fois protectrices et menaçantes. Objets hybrides et votifs, elles évoquent la mémoire, la survie et la transformation du vivant face aux agressions. Piquées sur une tresse de laine de 6 mètres de haut, Les épingles soutiennent et protègent La colonne mère enracinée au cœur de la galerie, arbre sensible et résiliant.
Dans le cadre de La Biennale internationale du verre de Bulgarie 2025 — une initiative soutenue par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ainsi que par l’Institut Français — Clara Rivault a été invitée à participer à une résidence de production lui offrant l’opportunité de collaborer avec des artisans bulgares.
Elle y développera notamment une nouvelle série d’œuvres en recourant à l’ancienne technique du feutrage. Cette résidence est rendue possible grâce au partenariat avec l’Institut français de Bulgarie, la Nouvelle Université Bulgare, l’Académie des Beaux- Arts de Sofia et l’Université de Veliko Tarnovo.



