Vernissage le vendredi 16 mai à partir de 18h
Exposition personnelle à la Galerie du Canon, Métropole Toulon Provence Méditerranée
Curation de Julien Carbone - Le Port des Créateurs
Un souffle traverse l’exposition. Il ne s’impose pas, il passe, fragile, sinueux, parfois insaisissable, mais une fois entré, il ne vous quitte plus. C’est un souffle ancien, fait de récits effacés, d’objets abandonnés, de figures glissées hors du cadre. Un souffle porté par les Yôkai, ces esprits troubles et joueurs du folklore japonais, qui surgissent ici dans une parade étrange, oscillant entre le sacré et l’ordinaire, entre la mémoire et la métamorphose.
Makiko Furuichi n’en fait pas des personnages. Elle les laisse apparaître. Sous ses pinceaux, les Yôkai ne sont ni sages, ni spectaculaires : ils dérivent. Ils traversent le papier, les murs, les volumes, sans chercher à s’expliquer. Leur présence ne répond à aucun ordre. Elle flotte. Elle insiste doucement, comme une pensée qu’on croyait oubliée et qui revient, insistante, au creux de l’intuition.
Aquarelles, gravures, drapés suspendus, formes gonflables, fresques murales : rien ici n’est figé, rien ne se laisse capturer d’un seul regard. L’exposition respire à son propre rythme, fait de lenteur, de dérive, de repli parfois. Le Mikoshi, sanctuaire japonais traditionnellement porté en procession, devient ici une sorte d’autel vacillant pour objets en fuite, mémoire collective d’un monde où le sacré a été relégué aux marges du plastique et de l’oubli.
Par endroits, des regards. D’animaux, de créatures peut-être, dont on ne sait s’ils sont réels ou imaginés. Ils ne nous fixent pas vraiment. Ils sont là, calmes, témoins d’un monde qu’on a cessé d’écouter. Ce n’est pas un jugement qu’ils portent, mais une présence. Quelque chose qui nous replace, modestement, dans l’immense réseau du vivant.
Le travail de Makiko Furuichi n’explique pas. Il ne cherche pas la démonstration, ni la résolution. Il laisse les choses ouvertes. Il suggère que les objets ont une mémoire, que les formes ont une vie, que le silence est parfois plus parlant que le discours. Il propose, avec tendresse et exigence, une attention nouvelle à ce qui résiste au visible : l’informe, le déplacé, l’effacé.
Un vent d’avance, ce n’est pas une direction. C’est un souffle qui précède. Ce qui précède le geste, ce qui précède même la forme. Ce moment fragile, presque imperceptible, où quelque chose bouge, en soi, autour de soi, sans encore avoir de nom. Une invitation, peut-être, à prêter attention à ce qui persiste en marge, dans le murmure, dans le tremblement, dans l’attente.
Texte de Julien Carbone